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 Shiroi Kage : le commencement

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Shiroi Kage
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MessageSujet: Shiroi Kage : le commencement   Shiroi Kage : le commencement Icon_minitimeDim 18 Sep - 3:50

NOTE : Ce RP n'est pas dans la même trame temporelle que la trame de Taisen Dinasty. On peut dire que l'histoire date d'il y a quelques années (cela sera precisé).
NOTE 2 : L'histoire de Shiroi Kage sera découpée en chapitres. Mais cela n'exclut pas la possibilité d'interaction entre moi et les autres.
NOTE 3 : Merci de ne pas poster à la suite, tant que je n'ai pas terminé.

Prologue : Un frêle gamin

Il pleurait, il pleurait depuis des heures, depuis que Fulgur, le chef de meute, l'avait chassé, depuis que sa sœur était morte. Il s'endormit tellement il était fatigué. Il fit des cauchemars où il vit et revit Fulgur le bannir, sa sœur mourir, les autres loups le haïr.
Le lendemain, il se réveilla et se reprit. Que lui avaient appris les loups, ne savait-il pas se débrouiller et trouver de quoi se nourrir ? Il savait qu'il était différent des autres loups de la meute, il l'avait compris très tôt : Il marchait sur deux pattes, avait parfois quelques difficultés à prononcer les grognements, était moins fort que ses compagnons. Et il pleurait. Personne dans sa meute ne pleurait à part lui, c'était la plus grande et la plus importante différence. Il marcha toute la journée, s'arrêta près d'un ruisseau et but, il remplit son estomac d'eau, et aussi ses yeux.
« Que vais-je faire maintenant, se demanda-t-il, je n'ai nulle part où aller, je ne pourrais jamais m'intégrer dans une autre meute. Pourquoi est-ce que ce monstre, qui marchait lui aussi sur deux pattes a-t-il débarqué, suis-je de la même espèce, tous les gens comme lui sont des monstres, suis-je un monstre ? » Le soleil était couché maintenant, il faisait nuit, et les étoiles brillaient dans le ciel. Dans le ciel ? Non, c'était en dessous, au bas de la colline.
Soudain, un frisson le parcouru dans le dos, il regarda droit devant lui. S’il avait une queue, il la baisserait. Une queue, encore une différence entre lui et sa meute et un point commun avec le monstre.
Les lumières de la ville prenaient tout l'horizon. La curiosité domina la peur, il descendit la colline et trouva pleins de briques de bois et de pierre allumées comme des lucioles, il avait peur.

— Mon dieu, qui es-tu ? demanda une grosse voix derrière lui. Tu es tout sale ! Où est-donc ta mère, j'aurais deux mots à lui dire.

Cette chose ressemblait tant au monstre qui avait tué sa sœur, elle lui ressemblait tant. Il voulait prendre la fuite mais ses jambes refusèrent de lui obéir, il resta pétrifié une minute pendant que la chose s'avançait vers lui et continuait à crier dans un langage inconnu, son langage ? Il lança un grognement menaçant, comme le faisait Fulgur quand on ne lui obéissait pas.


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Shiroi Kage
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MessageSujet: Re: Shiroi Kage : le commencement   Shiroi Kage : le commencement Icon_minitimeDim 18 Sep - 3:55

Chapitre 1 : Le Capitaine

— Je veux faire parti de l’élite de Tseku !

Il avait crié ces paroles de tout son être. Il s’en était presque usé les cordes vocales. Puis, malgré le sang qui coulait sur son visage et qui tombait lentement sur le sable de la cour de la caserne, le gamin s’avança. D’abord en marchant, puis ensuite en prenant de la vitesse, petit à petit. Finalement, atteignant sa vitesse maximum, il courut vers le géant. Il dérapa alors, projetant du sable tout autour de lui, y compris sur son adversaire, et se laissa tomber par terre. Il glissa sous les jambes de l’homme momentanément aveugle et se releva avant de se diriger vers son épée encore plantée dans le sol. Il n’eut aucun mal à l’arracher de son support. Il se remit en garde.
Depuis qu’il avait lancé son cri de courage jusqu’au moment où il avait repris son arme, il ne s’était écoulé que quelques secondes. La transpiration suintait du tee-shirt. Les mains moites, le jeune garçon tenait le sabre fermement pour ne pas que celui-ci glisse. Les genoux écorchés et les coudes de même, le sang ornait la peau brune du gamin. Il fermait les yeux, certainement pour se calmer et se concentrer sur son adversaire et sur la scène. Devant lui, un homme, aussi grand et gros qu’un ours, lui faisait face. Il était le bras droit du capitaine des forces du village de Tseku. Alors qu’il venait juste demander à rentrer dans l’armée du village, on avait imposé au jeune et frileux garçon un test. Celui de blesser ou ne serait-ce qu’entailler la peau de l’imposant adjoint au chef de l’armée du village, un autre homme qui faisait parti du conseil des Six. Ce conseil gouvernait et dirigeait le village prospère de Tseku. Il était donc normal que le Bras droit d’un de ces six personnes soit respecté. Mais respecté ou pas, le gamin devait absolument rentrer dans l’armée. Et voilà qu’on lui donnait quelque chose de quasiment impossible à réaliser ! Soudain, alors qu’il remuait ses pensées, le mastodonte abattit son épée. Si un réflexe inné n’avait pas fait le jeune de quatorze années pivoter sur la gauche, il serait probablement avec un bras en moins à l’heure qu’il était. Trébuchant à cause de la surprise de ce coup de traître, il faillit tomber mais se rattrapa de justesse. L’épée du Bras droit fendit l’air de nouveau. Cette fois, le jeune garçon avait prévu le coup. Il para l’épée de « l’Ours ». Malheureusement, la force de ce dernier étant nettement et largement supérieure à celle du gamin, il ne put que tomber par terre et s’écorcher encore la peau.

— Putain !

Le géant ricana et abattit son épée près de la tête de White, à seulement quelques centimètres de sa tête. C’en était fini du garçon, étalé par terre. Il ne deviendra jamais soldat. Il n’avait pas réussi à effleurer un homme qui ne se donnait qu’à 10%. C’était si pathétique. L’Ours continuait de rigoler fortement. Il s’apprêtait à signaler la défaite lorsqu’il sentit une douleur vive qui repartit comme elle était venue. Baissant les yeux, il vit que sa jambe avait été entaillée.
Sourire aux lèvres, le frêle jeune homme tenait sa grossière épée du bout des doigts. Il était fatigué et sale. Mais il avait réussi. Il venait de feindre la faiblesse et la défaite puis quand son adversaire avait relâché son attention, il avait réussi à bouger son bras sans qu’il s’en rende compte. Puis, il avait fortement saisi son arme et aussi rapidement qu’il avait pu s’était retourné en brandissant son épée. Le résultat en lui-même, malgré le ‘retournement’ de situation, était assez mauvais. Alors qu’il aurait pu complètement déchiqueter voire trancher la jambe du géant, il n’avait fait que lui couper un peu l’épiderme.
Le géant s’arrêta de rire puis recommença à nouveau. Il se retourna vers d’autres soldats toujours en rigolant en disant, sur le point de s’écrouler tant la pression de son diaphragme était forte.

— Hé les gars ! On a pêché un gros poisson là ! Enfin, il est encore petit mais bon...

Le géant, comme s’il n’y avait pas eu de trace de combat, agrippa la main du « vainqueur » qui tenait l’épée et aida le garçon à se relever.

— Tu t’appelles comment petit ?
— Moi… ? Je n’ai pas de nom.
— Hahaha,
fit-il en rigolant à nouveau. Elle est bien bonne celle-là. Je vais te dire un truc. Moi non plus, je n’ai pas de nom.
— Et comment vous appelle-t-on alors ?
s’enquit le jeune homme.

Il ne répondit pas. Il plissa les yeux et envoya son regard ailleurs, à l’horizon. Finalement, il hocha la tête et fixa à nouveau le futur membre de l’armée.

— Tu seras Shiroi Kage, conclut-il avec un grand sourire.

Et il s’en alla, laissant Shiroi Kage seul. Shiroi Kage… Quel drôle de nom. Pourquoi ombre blanche ? Ca ne lui allait pas. Shiroi regarda son ombre. Elle n’était pas du tout blanche. Mais à quoi avait-il fait allusion ? Et pourquoi n’avait-il pas répondu à la question de Shiroi ? Celui-ci se relava, mettant un genou à terre, l’un après l’autre. Il était fatigué, assoiffé, blessé et pourtant, il ne se sentait que trop bien. Regardant les nuages, il venait juste de comprendre une évidence. Shiroi Kage. C’était un nom de code. Un nom de code pour les militaires. Et il était parvenu à cette conclusion. Il était militaire ! Il s’écroula alors par terre.

— Tu vas mieux ?

Shiroi entrouvrit doucement l’œil. Un visage souriant se penchait devant lui. Le bras droit du chef des armées, autrement dit le capitaine, de sa voix grave, l’avait réveillé. Alors que Shiroi Kage était quelque part dans un rêve, il se remémora les événements passés. S’étant levé de bon matin, il avait dit à sa tutrice, une femme qui s’était épris d’elle et l’avait éduqué alors qu’il n’avait qu’onze ans et qu’il vivait encore avec les loups, qu’il partait chercher un boulot. Celle-ci, stoïque, n’eut pas le temps de répondre que le jeune garçon de seulement 14 ans, des cheveux noirs tombant jusqu’aux épaules, des yeux bleus étincelants, et vêtu seulement d’un pantalon court et noir et d’un tee-shirt de même couleur, s’en allait en fredonnant vers la ville. Ses pas l’avaient mené à la caserne. Il était rentré. Des dizaines d’hommes s’y entraînaient à l’épée, l’arc, la massue et autres armes en tout genre faites pour la guerre. Il s’était dirigé vers un endroit calme, qui ressemblait à un bureau, bien qu’à l’air libre. On l’avait envoyé balader lorsqu’il avait demandé à rentrer dans l’armée… « L’Ours » avait tout entendu. Il buvait un cocktail à côté. Il l’avait alors invité à faire un duel. Les règles étaient simples pour Shiroi. Il devait toucher le géant avec l’arme qu’on allait lui donner. Ce dernier n’avait rien à faire sinon se défendre. Toutefois, il n’utilisait pas 10% de sa force. Et c’est ainsi que le combat avait débuté. Les lames s’entrechoquaient, l’Ours parant d’une main et Shiroi peinant à ne pas tomber sous le poids de la force du capitaine. L’épée du garçon avait volé dans les airs et s’était planté derrière son adversaire. Et c’était à ce moment qu’il avait crié de tout son être ces paroles. Elles l’avaient fait réagir. Il avait feinté, repris son épée et avait à nouveau feinté puis entaillé la jambe de l’Ours. Ils avaient discuté, Shiroi s’était fait baptisé puis il s’était effondré.

— Oui ça va mieux.

Il avait dit ça d’une voix rauque. Shiroi se redressa. Il était couvert de bandages. Et il avait mal à la tête. Il se prit le front avec les mains et ferma les yeux. La douleur était forte. Néanmoins lorsqu’il ouvrit de nouveau les yeux, il n'en laissa rien paraître. Il avait le sourire aux lèvres et semblait plus qu’heureux.


***


Shiroi regardait dans tous les sens. Les personnes réunies autour de la table, au nombre de 11, ne cessaient de parler les uns en même temps que les autres. Trois chefs de clan, un vieillard sénile, un homme aux cheveux grisonnants, le chef du village ainsi que l’Ours, remplaçant du chef des armées du village. A cela, il fallait ajouter les assistants, comme Shiroi Kage par exemple, qui était le disciple du capitaine. En effet, celui-ci l’avait pris sous son aile, cela faisait environ deux ans. La différence entre le frêle fils des loups et le Shiroi Kage d’aujourd’hui était flagrante. Il y avait environ trente centimètres de hauteur pris par le jeune homme de seize années environ maintenant, ainsi que quelques muscles. Ses cheveux étaient ébouriffés et son visage s’était allongé tandis que des poils commençaient à pousser autour de la bouche. Il ressemblait de plus en plus à un homme. Oui c’était ça. Il avait mûri. Et pas que dans le corps. Son esprit était de plus en plus clair. Il faisait fonctionner ses méninges à une vitesse folle et chaque donnée devenait quelque chose. Il n’oubliait presque rien mais son principal défaut, il n’en avait très peu mais ils étaient lourds à porter, c’était qu’il se sous-estimait trop. Il maîtrisait parfaitement son épée, grâce à l’entraînement intensif de l’Ours, mais son esprit calculateur ne faisait que prendre l’hypothèse qu’il était en mauvaise posture, et cela le ralentissait dans ses actions.

— Nous devons nous préparer au pire, gronda le chef du clan du Grizzly, aussi imposant que le Capitaine.

La situation était ingérable. Il y avait de cela plusieurs heures, un messager, couvert de sang, était arrivé aux portes du village Tseku. « Le seigneur Tanuki et son armée » furent ses seuls mots. Il sombra après dans les ténèbres de la mort et ne parla plus. Cependant, ses dernières paroles eurent pour seul effet d’ameuter Tseku et de poster les différents hommes aux points clés de la défense du bourg. De la fumée s’élevait de deux villages au loin. Ils avaient donc été terrassés. Le rapport des éclaireurs était mauvais. Une force de mille hommes. Tseku n’en possédait que 150, une autre partie était en guerre dans les environs du grand village caché de Konoha, avec le chef des armées de Tseku.
La représentante du clan du Chat, une belle femme à l’allure féline prit la parole :

— Oui, nous devons nous préparer au pire. Mais ce n’est pas ça le problème. C’est comment se préparer au pire !
— Je suis d’accord avec notre petite chatte
, fit le Grizzly, mais…
—Tu m’appelles encore ainsi et tu es mort
, cracha-t-elle.
— Mais si on défend, continua le géant en l’ignorant, on se retrouvera submergé tandis que si l’on va à la bataille, on se retrouvera massacré.
— C’est un dilemme
, conclut le chef du village.

S’ensuivit alors un long silence. Personne ne parla. Shiroi réfléchissait à toute vitesse. Il avait bien une idée mais elle était très risquée. Les assistants des membres de la salle, mis à part Shiroi, semblaient être en proie à une panique intérieure. Celle-ci se voyait dans leurs yeux apeurés et dans leurs manières de déglutir. Le troisième chef de clan, celui de l’Aigle, un homme taciturne, se leva et quitta la salle avec son assistant, sans faire de bruit. Il se retourna alors, faisant voler ses longs cheveux bruns et les regarda tous.

— Toi tu as une idée, affirma le mystérieux personnage avec une voix plus que glaciale.

Shiroi sursauta. Il s’adressait à lui. Mais comment avait-il pu deviner ? Les traits pensifs sur son visage peut-être ? Non ce n’était pas ça. Il ne l’avait même pas deviné. Il le savait.

— Comment un gamin pourrait-il avoir une idée ? demanda le chef du village.
— Laisse le parler, ordonna un vieillard. Qu’il soit jeune ou non, un avis est toujours précieux. Surtout dans ces temps aussi troublés.
— Je…
commença Shiroi. C’est compliqué à expliquer. Mais je crois que j’ai une solution.

Le regard intense de l’Aigle le fixait toujours. Shiroi cligna les yeux et chercha du regard une carte sur la table. Il prit celle de son maître d’armes et s’empara d’un crayon. Il entoura une zone à une dizaine de kilomètres au Sud-est, sachant que les envahisseurs étaient au Sud-ouest. Puis il traça une droite entre l’emplacement des armées ennemies et la zone voulue. Elle faisait environ trente kilomètres, autant que la distance entre le village et le seigneur Tanuki. Shiroi posa le crayon et regarda l’assemblée, plus particulièrement l’Aigle.

— Hum… Je pensais à changer l’emplacement du village (Il pointa le doigt sur la zone entourée). Ici se trouve une vallée complètement à découvert. Là dans les montagnes, il y a des bosquets où se cacher. On pourrait dissimuler une centaine d’hommes par ici.
— Mais pourquoi faire ? Les ennemis n’iront certainement pas là-bas
, demanda un assistant.
— J’y viens, j’y viens, assura Shiroi. Quand je disais déplacer le village (il fit un trait sur le point qu’était Tseku), je pensais à ça ! Il faut que ce soir, le village soit éteint, qu’il n’y ait aucune lumière. Au contraire, nous ferons des feux de camp dans le creux dégagé de la vallée puis nous les attaquerons par surprise. Ils auront l’avantage du nombre mais nous aurons l’avantage du terrain et la surprise avec nous.
— Mais ce sera alors du dix contre un !
répliqua le Grizzly.
— Et alors ? rugit le Capitaine, muet jusque là. Nos soldats en valent plus qu’une dizaine chacun ! Nous ferons ce qu’a dit Shiroi !





Le bruissement de l’herbe faisait frissonner les soldats. Ils étaient cachés tout autour de la vallée attendant des ordres. Les lumières en dessous s’éteignaient lentement. Les soldats ennemis venaient de découvrir la supercherie. Ils avaient déjà perdu une vingtaine d’hommes à cause des pièges dissimulés là et là par Tseku. D’ailleurs, sans aucun bruit, la population évacuait et s’apprêtait à fuguer vers un autre village ayant une force militaire assez importante. Le but de la campagne d’aujourd’hui cherchait plutôt à ralentir Tanuki et ses hommes plutôt qu’à les massacrer. Une flèche se ficha dans la tempe d’un homme en contre bas de la vallée. C’était le signal ! Des flèches volèrent dans tous les sens tandis que les ennemis se lançaient des regards étonnés. Habillés de rouge, dans la lumière de la pleine lune, ils sortaient leurs épées de leurs fourreaux. Les projectiles de Tseku se turent et il y eut un nouveau silence dans la nuit, ponctué des râles des blessés. Encore vingt hommes à terre. Les forces ennemies baissaient peu à peu mais étaient encore trop nombreuses. Puis elles entendirent un bruit terrifiant.

Le capitaine venait hurler. Les militaires lâchèrent leurs arcs et leurs carquois et saisirent leurs épées et armes tranchantes en tout genre ainsi que des boucliers ronds. Dévalant la pente de la vallée à toute vitesse, ils fondirent sur leurs adversaires. On entendit des armes s’entrechoquer, le fracas des boucliers qui se cassaient et les hurlements des assaillis. Le capitaine fondit sur un petit homme en rouge. Il lui lança son poing et l’homme s’affaissa alors qu’un autre adversaire arrivait. L’Ours le décapita. Il para une épée et envoya cette fois-ci un coup de pied dans les points sensibles. Puis il se retourna.

— Allez-y les gars ! On va se faire du Tanuki grillé ce soir !

Un adversaire profita du moment d’inattention du capitaine pour se glisser derrière lui. Et il asséna un coup de haut en bas.

La tension régnait. Les hommes de Tanuki mouraient par dizaine alors que les soldats du village faisaient preuve d’un courage et d’une force incroyables. Mais cela n’allait pas durer. En effet, l’ennemi était juste déboussolé mais lorsqu’il se serait réorganisé, la balance allait de nouveau pencher en leur faveur. Shiroi dégaina son épée. Elle faisait environ un mètre. Légère mais dure, elle procurait à son possesseur une force et une agilité hors normes. Shiroi fit mouliner son arme devant un adversaire pour le faire reculer puis il asséna un coup d’estoc. Le poumon droit fut transpercé tandis que le corps tombait par terre.

— Pas assez rapide, se dit Shiroi pour lui-même. J’aurai du avoir le cœur.

Il n’eut pas le temps de trouver d’autres défauts à son attaque car un autre soldat en rouge se dirigeait sur lui en courant. White fit un pas en avant et l’ennemi s’enfonça jusqu’à la garde sur la lame de Shiroi.

— Là, c’est bon, fit-il en souriant.

Il se retourna juste à temps pour parer une autre lame et la faire glisser afin de se rapprocher de son nouvel adversaire. Il sortit rapidement de sa ceinture une courte dague qu’il utilisa pour trancher l’artère carotide du Tanukien. Il lança d’ailleurs cette même arme sur un autre homme. Il l’évita d’un mouvement de tête et sourit. Mais il n’eut pas le temps de rigoler. Shiroi venait de le décapiter !

Le capitaine évita avec agilité la lame qui fendait l’air. Puis il donna une claque à assommer un éléphant à son ennemi. Il mourut sur le coup. L’Ours bloqua une autre arme avec son gantelet en cuir et transperça le cœur d’un soldat rouge. Il se retourna à nouveau et vit un de ses compagnons à terre. Il fit un bond en avant et donna un coup d’épaule à celui qui allait achever son ami. Ce dernier s’envola sur trois mètres. Le capitaine aida son compagnon d’armes à se relever.

— Tâche de plus jamais tomber à terre, je serai pas toujours là pour te sauver, fit-il avec un clin d’œil.
— Ou… Oui capitaine !

L’Ours lui donna une claque amicale et repartit s’enfoncer dans la bataille, tranchant des têtes, transperçant des cœurs et sauvant d’autres amis !

Il y avait trois hommes devant Shiroi. Un mastodonte, un petit replet et un homme avec une hache.

— Tu as fait trop de morts aujourd’hui petit, grogna l’homme avec la hache.
— Et je vais continuer, répliqua Shiroi, une lueur démoniaque dans les yeux.
— Tu vas mourir plutôt, fit le petit replet avant de s’élancer.
— Pff.

Le jeune homme recula d’un pas alors que son ennemi fendait l’air avec son épée d’en haut à droite jusqu’en bas à gauche. Il allait très vite et avait malgré sa petite taille, beaucoup de force. Shiroi plissa les yeux. Que lui avait-on dit déjà ? Il réfléchit à toute vitesse. Lorsqu’on agite l’épée en diagonale pour trouver le ventre ennemi, on ne prend pas le chemin le plus court. Car le chemin le plus court, c’est la ligne droite.
Shiroi prit appui sur son pied qu’il venait de faire reculer et fit un bond en avant ! Le soldat rouge cracha du sang. Ses yeux se révulsèrent et il sombra dans les ténèbres. Le jeune homme désengagea sa lame et attendit ses deux autres ennemis. Il regarda le cadavre du replet tomber lourdement sur le sol.

— Vous avez beau être en surnombre. Vous avez beau être plus armés. Vous avez beau avoir de l’expérience…

Shiroi releva ses yeux bleus étincelants. Un souffle balaya la plaine, ses cheveux se levèrent et virevoltèrent. Sa bouche se fendit en un sourire. Et il hurla…

— Les soldats de Tseku sont les plus forts !

Les deux ennemis fondirent sur lui ! Shiroi avait devant lui une grosse hache et une grande lame. Il avait un homme bien bâti et un autre encore plus costaud à combattre. La fuite était préférable au combat… Et pourtant. Le jeune homme baissa la tête et la hache siffla au-dessus de ses oreilles. Il passa en dessous de la garde de l’homme à la hache mais ne put lui ôter la vie car le mastodonte abattait sa lame à son tour. Shiroi fit un roulé-boulé sur le sol pour éviter le sabre du monstre. Il se releva, couvert de poussière mais toujours un sourire aux lèvres. Il ne calculait plus rien comme d’habitude. Il était envahi par l’extase. Mais ne pas arriver à achever deux hommes… pour un soldat de Tseku c’en était trop. Une fine aura bleuté apparut sous ses pieds sans même qu’il s’en rende compte. Il se propulsa à une vitesse extrême sur l’homme à la hache. Celui-ci n’eut pas le temps de dire ouf que sa tête s’en allait dans le ravin en pente moyenne à quelques mètres. Le mastodonte écarquilla les yeux avant de sourire sournoisement. Shiroi expira. Son souffle était rauque. Il s’était fatigué. Il ne se demanda même pas pourquoi il était allé aussi vite. Par contre, il se posait une autre question. Qu’allait-il faire contre le coup de poing du mastodonte qui arrivait alors que Shiroi, haletant, ne pouvait plus bouger le moindre pouce. Il demeura paralysé et faillit sombrer dans l’inconscience tandis que le gros personnage l’envoyait voler sur plusieurs mètres dans le ravin. Shiroi tomba. Puis il sortit de sa transe. Il y avait une pente avant le ravin. Il n’était donc pas tombé ! Non mais il allait tomber dans le gouffre s’il ne réagissait pas. Il enfonça son sabre dans le sol pour stopper sa roulade. Le choc au niveau du bras fut douloureux. Il entendit un craquement sonore. Mais au moins, il avait tâché d’agripper sa lame et de ne pas tomber dans le gouffre. Et dire qu’il se croyait sorti d’affaire…

L’Ours avait plusieurs entailles notamment au niveau des bras et des jambes. Il avait du tuer une bonne quarantaine de ces chiens. Mais il sentait que c’était la fin.

— Alors même cent tractions par jour ne permettent pas de garder une épée en main une demi-heure, murmura-t-il dans sa tête.
— Toujours le mot pour rire, capitaine ! fit une petite voix dans son esprit.
—Tu l’as dit. C’est la seule chose qui me permet de vivre. Mon épée comme arme et mon humour comme bouclier. Souviens-t-en.
— Je ne pourrai pas, je vais mourir avec toi.
— Et bien… Tu vois… Tu as compris la technique.


Et l’Ours rit alors. Puis il regarda tous les ennemis présents devant lui. Ils étaient trente. Et lui était seul. Tous ses compagnons étaient morts. Et il allait les rejoindre.

— Je parie que tu en tues deux, fit la voix dans sa tête.
— Je te parie que j’en tue cinq ! contredit alors le Capitaine.

Il s’avança lentement puis attendit de pied ferme les derniers ennemis. Il en profitait également pour reprendre des forces. Deux hommes s’avancèrent. L’Ours les arrêta avec son épée. Il sourit en dévoilant ses dents blanches. Et il fendit de gauche à droite la zone. Les deux téméraires n’avaient même pas vu l’éclair argenté de la lame du capitaine. Ce dernier s’extasia. Vingt-huit hommes. Il pouvait bien en envoyer une dizaine d’autres dans la mort. D’ailleurs, ces même dix soldats se détachèrent du groupe et s’élancèrent venger leurs amis…

Shiroi leva les yeux alors qu’il pendait encore à son épée. Le mastodonte le regardait de haut. Son sourire allait jusqu’aux oreilles. Il préparait un truc. Shiroi le vit tirer une deuxième épée d’on ne savait où. Il grogna et fit un bond en avant, dévalant sur son gros cul la pente.

— Merde !

Le gros voulait-il mourir, avait-il vu le gouffre sans fond qui se trouvait en contrebas ? Ou était-il fou ? Shiroi n’en avait cure. Tout ce qu’il savait, c’était que deux lames sur un boulet roulant fonçaient sur lui. Puis, il remarqua la corde attachée autour de la taille du mastodonte. Alors il demeurait intelligent… Mais Shiroi l’était encore plus ! Il se souvint de toutes les tractions faites pendant son entraînement militaire. Il songea à son capitaine et maître, certainement entrain de se battre là-haut. Cette seule pensée lui fit oublier sa douleur. Il se hissa et saisit son épée avec la main droite. Puis il enfonça ses pieds dans le sol dur de la pente. Il retira l’épée. Il se sentit chavirer mais tint bon. Le gros bonhomme n’était qu’à deux mètres. Et Shiroi fit l’impossible. Il lança son sabre dans la tête du soldat. Le jeune homme serra les dents, la douleur dans son bras gauche le relançait. Le sabre se figea dans le visage du mastodonte. Du sang gicla, sa tête avait explosé. Mais il continuait sa course effrénée. Heureusement, il avait lâché ses armes. Le mastodonte percuta Shiroi de plein fouet. Alors qu’il s’en allait vers le bas, le poids du soldat rouge dans ses jambes le fit cette fois pencher vers le haut. Il tomba tête la première. Mais il avait prévu le coup. Il s’agrippa à la corde du mastodonte. Et il expira. Il s’en était bien sorti sur ce coup là. Et comme par hasard, un sabre glissait par là. Shiroi s’en empara et commença à remonter. Il avait eu beaucoup de chance jusque là.

Le capitaine en décapita un autre et enfonça sa lame dans l’abdomen d’un septième. Puis il cracha du sang. Une lance venait de rentrer dans son ventre. Il se retourna et vit un soldat rouge sourire aux lèvres. L’Ours rugit et lui enleva son sourire. Il lui trancha la gorge. Puis le capitaine s’affaissa.

— Finalement j’en aurai tué dix. J’ai gagné le pari.
— Non tu mens
, répliqua la voix intérieure d’un ton indigné. Tu avais parié sur cinq pas sur dix.
— Quelle mauvaise foi...


L’Ours ouvrit grand les yeux et sortit de sa rêverie. Il allait mourir. Il eut une dernière pensée pour son élève. C’était certainement le plus prometteur de tous les soldats qu’il ait vu jusqu’alors. Etait-il toujours vivant ? Il n’avait jamais révélé son nom à qui que ce soit. Pourquoi pas Shiroi ?
Les pensées du capitaine étaient floues. Il n’arrivait plus à respirer ni à sourire. A la limite, il se foutait pas mal de respirer ou non. Mais sourire…

—Shiroi ! hurla-t-il à la mort. Je m’appelle Korosu !

Et il ferma les yeux, tombant sur le sol dur de la vallée qui semblait se réveiller car l’aube arrivait. Ses larmes vinrent accompagner la rosée du matin. Il se força à sourire mais n’y parvint pas. Et pourtant, il s’était souvent répété qu’il mourrait le sourire aux lèvres. Encore une promesse non tenue. Il avait menti toute sa vie après tout. Une succession d’échecs. Quoique sa plus belle œuvre était Shiroi. Il ne le reverrait plus jamais. Car Korosu irait en enfer tandis que son disciple rejoindrait les cieux… Blanc. Shiroi. Il avait été obligé de le nommer comme tel.
Et ce fut ainsi, versant des larmes de joie, que Korosu, capitaine des armées de Tseku, s’en alla rejoindre ses compagnons déjà morts au combat, après avoir lui-même tué près de cinquante ennemis. Plus tard, lorsque le temps eût pris du recul, on l’appela « L’Ours Rugissant ».

Shiroi se hissa sur le bord du ravin. Enfin arrivé en haut ! Un pied après l’autre, il se releva. Puis il scruta le creux de la vallée du regard. Plus personne. Il commença à sourire lorsque…

— Shiroi ! Je m’appelle Korosu !

Il sursauta et se crispa. Le son se répercutant en écho dans le gouffre derrière lui. Des larmes lui montèrent aux yeux. Il comprit ce qui arrivait. Ils avaient perdu. Et le capitaine était mort. Car c’était bien lui dont la voix, portée par le vent frais de l’aube naissante, avait atteint les oreilles du jeune homme. Soudain, il se mit à courir, criant et surtout, ne voulant pas admettre la mort de l’Ours. Les meilleurs moments avec lui revinrent le hanter. Toutes ces images passaient en boucle. Le rire tonitruant de l’homme, le frappant amicalement dans le dos, lui hurlant dessus car il s’était réveillé trop tard, lui donnant sa part de soupe lors d’une campagne où il manquait de réserves, car le capitaine était son seul ami. Non, il ne pouvait pas l’admettre
Enfin il le vit. Les larmes aux yeux, coulant sur le visage, creusant des sillons dans la roche de sa peau, contrastant avec la poussière accumulée lors de la dernière nuit. Oui, soudain, il le vit, entouré d’une quinzaine d’hommes, seuls rescapés du massacre de l’armée Tanukienne. Korosu, car tel était son vrai nom, reposait dans une mare de sang, baignait autour des derniers corps mutilés de l’armée ennemie. Shiroi s’élança vers le cadavre. Aucun ennemi n’essaya de l’en empêcher. Que pouvait faire un jeune homme face à une unité entière ? Ils en feraient un prisonnier pour le questionner. Cependant…
Shiroi s’accroupit. « Toi qui voulait mourir le sourie aux lèvres, pensa-t-il, ton vœu n’aura donc pas été exaucé ? ». Puis le fils des loups s’assit et rit. Un rire sans joie, amer et dur. Un rire forcé. Il avança ses mains sales vers le visage du capitaine et saisit les joues. Il les remonta légèrement. La bouche de Korosu se fendit en deux. Ce n’était pas son sourire mais au moins cela y ressemblait se consola Shiroi. Et l’enfant rit à nouveau. « Je l’ai exaucé pour toi on dirait. » Et Shiroi referma les yeux de son maître, et il referma une porte de son passé. Il leva la tête et hurla. !

— Ca suffit ! commença un soldat rouge en prenant Shiroi par l’épaule.

Ce dernier pivota sur sa droite en dégainant son sabre. La tête du soldat s’envola tandis que le corps fit un roulé-boulé à même le sol. Instinctivement, les soldats reculèrent. Devant eux ne se tenait plus Shiroi. Non, il y avait un monstre. La haine déformait le visage de Shiroi. Son front était plissé, ses sourcils froncés. De grosses veines striaient ses tempes. Il sortait les dents, comme si son passé bestial avait changé son comportement. La face cachée s’était réveillée. Kage était sorti de l’ombre ! Une aura bleutée l’entourait alors. Et le nouveau jeune homme, jusqu’ici accroupi, se leva. Kage fouetta l’air frénétiquement avec son arme. Il fit ensuite un pas. Et il se retrouva derrière la mêlée, le sabre rangé dans son étui, comme si de rien était. Alors tous les soldats rouges s’affaissèrent et tombèrent sous une pluie aussi rouge que leurs couleurs. Les têtes, après que l’orage sanguin fut passé, s’écroulèrent et roulèrent. La fine aura bleutée, encore plus développée que tout à l’heure, avait permis à Kage de se déplacer à la vitesse du son, ou presque en tout cas. Kage sentit le monde tourner autour de lui tandis que sa colère diminuait et que son visage se détendait. Puis il sombra dans l’inconscience.
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Shiroi Kage
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MessageSujet: Re: Shiroi Kage : le commencement   Shiroi Kage : le commencement Icon_minitimeDim 25 Sep - 3:22

Chapitre 2 : Soyokaze

Shiroi avait quelque chose de chaud et mouillé sur le front. Il avait très mal à la tête. Il entrouvrit une paupière, puis une deuxième. Et enfin, il ouvrit les yeux. Un torchon sentant l’eau d’oranger était posé sur son visage. Ladite odeur était tellement forte qu’elle lui piquait les narines. Et son flair développé n’arrangeait pas les choses. Ayant été élevé par des loups, il avait souvent privilégié ce sens aux autres. Son ouïe aussi était plus élevée que la moyenne mais les trois autres sens étaient normaux, sauf le
goût, qui ne pouvait être satisfait que par une tranche de viande saignante. Shiroi entendit alors le bruit d’un vêtement qu’on essorait. Il tourna la tête vers la gauche et son cœur bondit.

Elle était vêtue de lin blanc. Shiroi la voyait de profil. Les manches retroussées, il effleura ses bras du regard. Ils semblaient fragiles, et pourtant, ils devaient bien cacher leurs jeux. Ses mains douces et belles essoraient le linge lourd et sale. Il l’observa en prenant un peu de recul. Elle était jeune, à peine plus vieille que lui, sa petite taille et sa silhouette, dont les formes prononcées semblaient avoir atteint leur apogée, en témoignaient. Elle n’était pas maigre, mais pas grosse non plus. La largeur de son corps était proportionnelle à sa longueur, tout comme sa profondeur, un corps parfait. Et le jeune homme s’attarda alors sur le visage. D’un teint rosé, la jeune femme possédait une peau lisse et sans rides ni boutons, aucune impureté. Son petit nez fin saillait au milieu du visage, entre sa bouche, tendant vers un léger sourire, et ses yeux, cachés par des mèches tombantes. Sa chevelure noire devait tomber jusqu’à mi-dos, mais là, elle était retenue par des aiguilles argentées.

De l’eau s’égoutta. Le torchon qu’elle avait tout à l’heure était maintenant propre et ressemblait enfin à une tunique, tandis que la bassine dans lequel le linge avait été essoré était de couleur encre… et sang. La jeune fille se retourna et avança d’un pas silencieux, presque inaudible, vers Shiroi. Ce dernier rougit alors et il regarda le plafond en se renfonçant dans l’oreiller. La tunique qu’elle amenait était la sienne, et d’autres sous-vêtements étaient étendus au-dessus du lit. Il était nu ! Avait-elle
vu ses parties masculines ?


— Grand-père t’a amené ici et t’a déshabillé avant de te donner les premiers soins, lui répondit-elle comme si elle avait lu dans ses pensées. Tu as eu quelques côtes fêlées, rien de grave, ajouta-t-elle, mais ton bras gauche est en très mauvais état.

Une voix claire et limpide, rendant confiant la personne à qui on parle. Elle se pencha sur lui et il sut alors qu’il était rouge comme une pivoine, il y avait un mélange de peur, d’appréhension et d’envie, ainsi qu’un sentiment jamais éprouvé auparavant. Elle dévoila lentement la couverture. Son parfum l’enivrait mais il se sentit tout de même indigné et fronça les sourcils en la regardant. Il rencontra ses yeux. Il resta muet face à la lumière de ses étincelants yeux verts. La forteresse imprenable dans une guerre sans fin. La seule chose pure et innocente dans ce désert d’hommes. Des yeux dans lesquels se lisaient une intelligence et une sagesse infinie et pourtant aucune expérience. Le disciple de Korosu se sentit alors tout petit. Il n’était plus rien dans ce bas monde. Shiroi, s’il pouvait, baisserait la queue.

Elle dévoila la couverture jusqu’au torse. Il ne l’avait pas remarqué mais il était couvert de bandages sur le torse et sur le bras gauche. Elle saisit ce même bras et Shiroi tressaillit. Il serra les dents, la douleur était intense. La jeune fille utilisa une main pour porter son bras et l’autre pour rabattre la couverture. Elle posa lentement et doucement le bras sur le drap. Puis elle se redressa et commença à bouger ses doigts et poignets d’une façon bizarre.

— Si j’avais fait ça alors que tu dormais, tu te serais réveillé, j’aurais raté mon coup, et tu serais mort, s’exprima-t-elle avec indifférence.

Shiroi frissonna. Il faillit prendre peur. Et dire qu’avant de s’évanouir, il était sur un champ de bataille. Cela lui semblait tellement lointain... Une sphère verte était apparue autour de la paume de la jeune fille. Cette même sphère crépitait d’une façon menaçante. Le jeune soldat se raidit et ferma les yeux, s’attendant à une quelconque douleur, alors que la main s’avançait vers le bras meurtri. Mais il ne sentit rien. Au contraire, c’était comme si un lourd poids s’était envolé. Il n’avait plus du tout mal au bras. La fille passa la sphère sur les pectoraux de Shiroi. Même effet que pour le bras gauche. Un sourire naquit alors et une sensation de bien-être l’envahit. Pendant quelques minutes, il resta comme ça avant de réaliser que la jeune fille avait le souffle rauque. Elle était visiblement essoufflée.

— Tu… Vous allez bien ?
demanda Shiroi, avec hésitation.

— Oui, ça va merci. (Elle toussota). Je n’ai pas l’habitude c’est pour ça.

Un long silence s’ensuivit. Shiroi s’était redressé et s’était levé pour s’habiller tandis que la jeune fille s’était retournée. Lorsqu’il rajusta sa tunique, elle lui posa une question.

— C’est toi l’Enfant des loups ?

Un long silence s’ensuivit. Shiroi se crispa. Le souvenir de son bannissement lui faisait encore mal et le torturait psychologiquement mais finalement, il répondit calmement.

— Oui, c’est moi. Comment le sais-tu ?
— Quand Grand-père t’a récupéré, il a dit que tu avais hurlé... comme le loup hurle à la pleine lune. Tu pleurais sur le corps d’un homme.
— Peut-être. Je ne me souviens de rien
(Shiroi secoua la tête.), j’ai tué cette nuit. J’ai tué et ils l’ont tué. Le Capitaine est mort aussi. Je ne sais même pas l’état actuel des choses ! Ca fait combien de temps que je suis ici ? D’ailleurs qu’est-ce que je fais ici ?

Il fit mine de se lever mais se rassit aussitôt en se tenant les côtes. La jeune fille fronça les sourcils et fit la moue.

— Quand je disais que tu avais des côtes en mauvais état, ce n’était pas pour t’embêter.
— De quel droit me parles-tu comme ça ? Tu ne me connais même pas ? grogna Shiroi, les dents serrées.
— Tu détournes ta colère contre moi parce qu’ils vous ont battu, dit-elle gentiment.
— Tu mens ! Ils se sont pris une raclée hier !
— Hier ? Cela fait presque trois jours que tu es dans ce lit. Cela fait trois jours que je veille sur toi. Et voilà comment tu me remercies ?
— Trois… Trois jours ? (Il frissonna et se calma .) Comment ai-je fait pour…
— Tu as frôlé la mort. Et vous avez gagné la bataille. Mais Tanuki a gagné la guerre. Il n’a envoyé qu’un tiers de ses troupes dans la gueule du loup. Vous êtes tous mort et il n’a pas subi d’important revers. Par exemple hier, ils étaient le double de ce qu’ils étaient la veille encore.
— Alors nous n’avons rien fait ? Tous ces morts pour rien ? J’ai tué pour rien ? Le Capitaine est mort pour rien ? PUTAIN DE MERDE ! conclut-il en hurlant.

Il déversa des larmes de douleur, de souffrance et de tristesse. Sa rage afflua dans sa gorge et il libéra cette haine en criant de tout son être. La jeune fille le laissa seul pendant plusieurs minutes. Lorsqu’il se calma enfin, elle revint, avec un nouveau flacon d’eau de fleur d’oranger. Sans un mot, elle changea le torchon sur le front de White tandis que celui-ci ruminait ses pensées. Juste avant qu’elle ne reparte, il
l’interpella.


— Attends !

Elle s’arrêta, ne tournant que la tête vers Shiroi.

— Je suis désolé pour tout à l’heure. Je m’appelle Shiroi Kage, lieutenant-chef de Tsuku. Et toi ?

Elle ne répondit d’abord pas. Elle détacha ses cheveux qui cascadèrent, comme Shiroi le pensait, jusqu’à mi-dos. Elle garda les épingles argentées dans sa main et ses yeux verts croisèrent le regard bleuté de Shiroi.

— Je suis Soyokaze. Je comprends ta douleur, mais je ne la partage pas, donc c’est à moi de m’excuser pour mon manque d’empathie
— Ah non, surtout pas ! fit Shiroi sans réfléchir. Non, il ne faut pas.

Pour une raison qui lui était inconnue, il était encore plus maladroit que d’habitude. Il avait des circonstances atténuantes : cela ne faisait que cinq ans qu’il vivait parmi les humains. Mais il y avait autre chose. Son cœur battait étonnamment fort, il se sentait vidé de ses forces, juste en plongeant dans les yeux verts de Soyokaze.

— Pourquoi tu me fixes ?

Shiroi sortit de sa torpeur, il s’était laissé aller. Il détourna le regard et tenta à nouveau de se lever. Il grimaça mais réussit à s’asseoir sur le lit.

— Je dois aller voir comment se porte le village. Tu sais s’il y a des
survivants ?

— Il n’y a pas eu d’attaque sur Tsuku. Tanuki a annexé le village et a réduit en esclavage les habitants. Il force les hommes à se battre pour lui et sa soif de conquête et il tient en otage le reste de la population.

Le jeune homme tressaillit de rage. L’idée même qu’un homme se batte contre son gré le répugnait. Être soldat ne se résumait pas à tenir une épée dans les mains et faire des moulinets. C’était un métier à part entière, avec toutes ses facettes et ses maîtrises. Tanuki se servait d’eux en sachant qu’il les envoyait à l’abattoir.

— Il envoie des gens sans expérience en première ligne, afin de s’assurer qu’ils ne se rebiffent pas en pleine bataille et il garde ses propres soldats entraînés pour la fin des combats.
— C’est un fin stratège.

Shiroi ne releva pas la phrase. Bien qu’elle soit dure, Soyokaze n’avait fait qu’énoncer la vérité. Le militaire se mit debout et faillit s’écrouler sous son propre poids. Il avait oublié qu’il n’avait pas marché depuis trois jours, ce qui impliquait que ses muscles s’étaient temporairement atrophiés, puisque non sollicités. Il s’agrippa à un mur et se dirigea pas à pas vers la sortie de la pièce. Soyokaze ne le retint pas et s’écarta sous son passage. Shiroi déboucha sur une pièce circulaire où se trouvaient cuisine, salle à manger et quelques vieux meubles. Il avisa une grande porte en chêne massif et sortit de la maison. Ses pieds nus s’enfoncèrent dans de la terre meuble. La lumière vive du soleil l’aveugla quelques instants. Une fois habitué, il regarda autour de lui. La maison dans laquelle vivait Soyokaze se trouvait en plein milieu d’une clairière. De grands cèdres se dressaient tout autour, formant une barrière naturelle contre l’extérieur.

— Où est-on ? demanda Shiroi.

Il n’obtint aucune réponse. Soyokaze ne l’avait pas suivi. Le jeune homme rentra la tête dans la maison et la trouva à l’autre bout de la pièce, en train de s’affairer à la cuisine. Il l’interpella et réitéra ses paroles.
Elle ne lui répondit pas.

— Tu m’entends ?
— ...
— Tu m’ignores ?
— ...


Un long silence s’ensuivit. Qu’est-ce qui n’allait pas chez cette fille ? Elle était gentille et ouverte puis en l’espace d’un instant, elle était devenue distante. Qu’attendait-elle ? Shiroi réfléchit à la conversation qu’il avait eue avec Soyokaze et comprit soudain qu’il avait oublié quelque chose. Quelque chose de très important.

— Au fait... merci d’avoir pris soin de moi. Merci pour tout.

Soyokaze posa ses couteaux et ses légumes puis s’essuya les mains avec un torchon. Elle tourna la tête vers Shiroi et lui adressa un sourire étincelant :

— Pas de quoi !

Le jeune homme sentit son cœur bondir et il sourit bêtement. Puis la réalité lui retomba dessus.

— Je t’en prie, je dois retourner au village, je dois libérer Tsuku et ses
habitants.

— Tout seul ? Dans ton état ? Je ne pense pas que tu puisses faire grand-chose. Mais si tu veux vraiment y aller, je te conseille d’attendre que Grand-père Niyaniya rentre. Il connaît le chemin. Cette forêt est un labyrinthe. Il ne devrait pas tarder.

Shiroi acquiesça. Il préféra rester dehors, profitant du soleil. Il apprécia particulièrement le fait que Soyokaze ne jugeât pas ses intentions. Une autre personne l’aurait traité d’inconscient ou d’abruti. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait pouvoir faire à Tsuku mais ce qui était sûr, c’est qu’il avait le devoir d’agir. C’était dans sa condition de soldat.
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