(Avis aux jeunes lecteurs, un peu de contenu sexuellement explicite.)
« Vos soupirs sont autant de suffocations qui entretiennent mon râle. Je me ris de vos songes. Étouffés. Me délecte de votre gorge ouverte. Fantoche. Éveillez-vous, la mort est la même partout. »
Maison close.
L'air est emplit du silence qui précède et suit chaque cri.
Tout est froid. Les odeurs sont mortes et les paysages dorment.
Il est en face de moi, droit comme à son habitude. Il ne me regarde pas. Il ne me regarde plus. Son désirs et son respect ce sont évanouis dans la naissance de mes hanches. Aujourd'hui, je ne suis plus qu'une chose. Comme un objet dont il dispose selon son aise. J'étais successivement sa lame, ses épaules, sa servante et son trou.
Il n'existait plus d'élève, d'enfant ou de femme.
J'étais réduite au néant. Un abysse sans pareil dans lequel il n'y avait plus rien si ce n'est la colère.
Une boule de suif, assoiffées d'être, grandit dans mes entrailles. Une ombre épaisse qui réchauffe mon ventre. Un creux embrumé aux tons de l'hiver interminable et insaisissable. Je sentais ma haine s'incarnait dans mes tripes. Un labyrinthe de chair aux virages âpres et amers.
Le redoux normalement convié par le printemps était imperceptible. Il faisait froid. Assis sur le tatami nous jouions aux cartes, sans grand intérêt. Il fumait. Un brouillard épais emplissait la pièce et me piquait les yeux.
Doucement, il posa ses cartes sur le tatami. Tout en me fixant, la pipe entre les dents, il dénoua sa toge des soirs où il n'avait plus à sortir. Cette longue robe noire échoua sur ses genoux.
Je savais ce que cela voulait dire.
Enragé
Le loup doit sortir de sa cage
Assoiffée
Il rode, animal
Il attendait. Le vice accrochait au regard.
Cela faisait longtemps que je connaissais ma tâche et les gestes à effectuer dès la toge tombée. L'action était quotidienne.
A mes 13 ans quand il m'avait recueilli, il avait pris soin de m'apprendre la grâce, le respect et l'obéissance par le sexe. Avide,de compliment et de mot, il loué la linéarité de mon corps. Il passait des nuits entière à me contempler. Son souffle, calme et parfois saccadé me traduisait ses insomnies. Quand il me caressait, il prenait soin de louer chaque parcelle de ma peau.
Aujourd'hui, il me regardait avec dégoût. Sa main grimaçait sur mon corps. Ma ligne s'était brisée emportant avec elle le désir du maître. Il continuait pourtant à me prendre sur ses hanches. Nos ébats étaient de ces actes qui meurent dans l'habitude après avoir vécu dans l’intérêt et l'envie pendant des années. Je ne représentais plus rien et n'était digne que de râle lamentable. Des soupirs quasi absents ne révélant que les fantasmes dissimulés de l'homme que je chevauchais.
Ectoplasme d'envie.
Nu, il me dévisageait.
Je passai au-dessus des cartes et m'agenouillai face à lui. Dans ses yeux, je pouvais voir d'autre filles dansaient. Des jeunes flammes, lisses et superbes. Il empoignait ma nuque, passait sa main dans mes cheveux sans même me voir.
Nausée.
L'aigreur au bout des lèvres, je baissais le tête et embrassai son sexe.
Je n'étais qu'une ombre. Sombre. Les cheveux en rideaux, un rictus sauvage naissait sur ma face.
Il me dégoûtait, son érection molle entre les lèvres.
Il ne m'élevait plus. Il me tuait.
Il saisit mon menton, rejetant ma tête en arrière. Il me pris par les bras et me tira sur lui. Bien assise sur ses hanches, je grognais.
Supportant ses maigres assauts, j'attendais patiemment, le regard fixé sur son arme qu'il avait coutume d'abandonner près de lui.
Lame d'argent, elle était la seule à resplendir dans ce gouffre.
Il se perdait dans le dédale de notre va-et-vient répugnant. Il prenait soin de perdre ses yeux dans le voile de ses fantasmes s'acharnant à remplacer mon image par celle d'une jeune innocente.
Je le vis basculer. Je connaissais son corps par cœur.
Le voile de ses yeux me donna l'impulsion. D'un sursaut brusque et violent je saisi son katana.
Rouge.
Avide. J'avais tracé un chemin écarlate le long de sa gorge.
Effusion de sang.
Je frémissais sous le contact de ce liquide chaud qui coulait jusque sur mes jambes. Ma peau était parsemé de petites gouttes carmin, certaines ruisselaient le long de mon bras.
Je baignais dans un spasme rouge écarlate.
Le rictus au bord des lèvres, mes ombres jouissaient.